L’industrie crypto a atteint les 3 000 milliards de dollars alors que les États ont des difficultés à instaurer une régulation harmonisée. Le dernier rapport de Chainalysis, The Road to Crypto Regulation, dresse un état des lieux contrasté de la législation dans 25 pays représentant plus des deux tiers de l’activité on-chain mondiale.
De la marge au cœur du système

En quelques années seulement, le monde de la crypto est passé du statut d’expérimentation anarchiste à un celui d’infrastructure financière globale. Cette métamorphose impose alors une réponse réglementaire d’ampleur.
Comme le souligne toutefois Chainalysis :
« Les produits et services crypto ne rentrent pas dans les cases classiques de la régulation financière. »
À travers une analyse de 25 juridictions différentes, le rapport montre que si l’intention est globale, la mise en œuvre reste locale, complexe et désynchronisée.
AML/CFT : des progrès visible, mais des lacunes criantes
La lutte contre le blanchiment (AML) et le financement du terrorisme (CFT) reste la priorité des régulateurs. La Recommandation 15 du GAFI (FATF) constitue la norme internationale de référence. Pourtant, en juin 2025, 70 % des pays étaient encore jugés non conformes ou partiellement conformes.
L’Union européenne se distingue avec le trio MiCA–AMLR–TFR, alignant 27 pays sur ces normes. D’autres pays comme la Corée du Sud, l’Allemagne, le Canada ou l’Indonésie affichent une conformité globale. À l’inverse, des économies majeures comme le Vietnam, le Mexique ou les États-Unis présentent des lacunes critiques.
Protection du consommateur : patchwork réglementaire
Sur le front de la protection des investisseurs, la diversité règne. Certains pays imposent des disclosures stricts, d’autres interdisent la publicité directe (Singapour), limitent le staking (Singapour encore) ou exigent des tests de connaissances des utilisateurs (Hong Kong, UAE).
Chainalysis documente également des politiques strictes de cold wallet pour sécuriser les fonds clients : 98 % en offline à Hong Kong, 95 % en Australie, 90 % à Singapour.
Mais malgré ces efforts, les arnaques et attaques ne faiblissent pas. Plus de 2,2 milliards de dollars ont été volés en 2024, et 1,6 milliard dès le premier semestre 2025 (notamment via le hack de Bybit). Chainalysis met en avant ses outils Alterya et Hexagate pour passer d’une réponse réactive à une défense proactive contre les menaces.
Intégrité des marchés : le grand retard
Sur l’intégrité des marchés – c’est-à-dire la lutte contre la manipulation, le wash trading, le trading sur information privilégiée – le diagnostic est sévère. Dans la plupart des pays (États-Unis, Royaume-Uni, Inde), il n’existe aucun cadre réglementaire spécifique au marché crypto.
« En 2024, jusqu’à 2,6 milliards de dollars de volumes on-chain pourraient être dus à du wash trading », alerte Chainalysis.
Et plus de 8 % des tokens listés sur DEX affichent des comportements de type pump-and-dump.
Seuls quelques pays imposent des obligations de surveillance (Canada via le CIRO, Corée du Sud via un système 24/7, l’Union européenne via MiCA).
L’international face aux frontières

La régulation crypto reste marquée par des frictions entre la nature transfrontalière des plateformes et les règles nationales. Exemple : certaines juridictions imposent un stockage local des clés privées (Hong Kong), ou fixent des seuils spécifiques dans la Travel Rule.
Autre défi en vue : la régulation de la DeFi et des jeux Web3, où les frontières entre finance, technologie et culture s’estompent. Le prochain rapport de Chainalysis portera d’ailleurs sur les stablecoins, jugés à haut risque systémique.
Conclusion
La régulation crypto progresse, mais à des vitesses inégales. Si certains pays montrent la voie, l’écosystème global reste fragmenté, vulnérable et en tension constante entre innovation et sécurité.
Comme le conclut le rapport :
« Débloquer tout le potentiel de la crypto exige des standards de protection comparables à ceux de la finance traditionnelle. »
Sources : The Road to Crypto Regulation, Chainalysis, juillet 2025